QUELQUES MOTS D’HISTOIRE

1784 Un arrêt du Conseil d’État du roi du 3 janvier 1784 crée une École royale de chant et de déclamation, installée à l’Hôtel des Menus-Plaisirs, salle de spectacle alors située dans le quartier de l’actuelle rue du Conservatoire.

1786 Une classe d’art dramatique ouvre au sein de l’École royale de chant et de déclamation. Talma est de la première promotion en 1786 et attire immédiatement l’attention. Il sera l’acteur préféré de Napoléon et deviendra professeur en 1808.

1789 Le 10 avril 1789, les « cahiers de doléances, remontrances et instructions de l’Assemblée de tous les ordinaires des théâtres royaux de Paris » demande la fermeture de l’École dont on critique le train de vie dispendieux. Louis XVI ordonne sa fermeture à dater du 1er janvier 1790, au lendemain de la Révolution.

« L’enseignement est trop copieux et trouble la cervelle des élèves ».
« Ne sommes-nous pas les disciples de la nature, et le public n’a-t-il pas été notre seul maître ? Pourquoi nos successeurs au théâtre recevraient-ils une autre éducation ? Quel peut donc être le but d’une pareille institution ? Sinon de nous forcer à être toujours en garde contre les tyrans qui peuvent nous détrôner, de redoubler de zèle, de nous livrer à des études approfondies, afin qu’un jeune écolier ne vienne, dans un moment, s’emparer de la place que nous occupons, ou du moins ne la partage avec nous ».

Dès sa création, en 1786, l’entrée au Conservatoire s’effectue sur concours. Les membres du jury de ce concours d’entrée ont toujours été, et sont toujours aujourd’hui, des professeures ou des professeurs de l’école et des personnalités du monde théâtral. En revanche, les modalités de ce concours n’ont cessé d’évoluer au cours de l’histoire de l’établissement, principalement dans le but de contenir la courbe exponentielle du nombre de candidats :
15 candidats en 1829, 30 en 1850, pour 8 candidats admis chaque année ;
188 candidats en 1885, pour 28 places ;
242 candidats en 1900,
350 candidats en 1920 ;
622 candidats en 1944 ;
482 candidats en 1967 ;
818 candidats en 1980 ;
1200 candidats en 1985 ;
1150 candidats en 2005 ;
1119 candidats en 2015.

On instaure un 2e tour vers 1900, puis un 3e vers 1940 ;
On restreint la limite d’âge des candidates et des candidats, afin d’en diminuer le nombre ;
On exige une attestation de formation initiale intensive d’une année avant l’inscription au concours, en 1985 ;
En 1968, deux jurys restreints au 1er tour travaillent simultanément pendant 6 jours, puis un jury unique auditionne les candidats au 2e et 3e tour. Ce fonctionnement est toujours en vigueur aujourd’hui : 3 jurys composés de 5 membres travaillent simultanément pendant 10 à 12 jours pour le 1er tour. Puis un jury unique composé d’une quinzaine de membres auditionne les candidates et les candidats pour les 2e et 3e tours qui durent respectivement une semaine et deux à trois jours.

1858 On ouvre une quatrième classe de déclamation (il y en avait toujours eu 2 ou 3 jusqu’alors) spécialement réservée aux femmes.

Augustine Brohan est la première femme à enseigner de 1858 à 1866 dans une classe de déclamation réservée aux femmes (il n’y aura plus de femmes dans le corps professoral jusqu’en 1907).

En 1871, Ambroise Thomas, alors directeur du Conservatoire instaure un système de bourses.

Septembre 1878 : un décret sur le Conservatoire stipule que le directeur du Conservatoire sera désormais nommé par décret du Président de la République (c’est toujours le cas aujourd’hui).

Qu’il s’appelle « déclamation » (1786), « formation individuelle » (1947) ou « interprétation » (1983), l’enseignement de l’art dramatique a toujours été confié à des professionnels en activité.

L’enseignement au Conservatoire est, dès sa création, confié exclusivement à des comédiens, issus notamment de la Comédie-Française, à laquelle le Conservatoire est intimement lié. L’enseignement est alors individuel, basé sur l’exemple, voire l’imitation des maîtres. Les élèves gardent le même professeur pendant toute leur scolarité.

Le mot est alors l’essence du jeu dramatique : on travaille la diction, l’articulation, l’intonation.

Les professeurs font répéter des scènes aux élèves, en prévision des emplois futurs qu’ils occuperont. Les concours de sortie, événements mondains auxquels se bousculent public, journalistes et professionnels, sont l’occasion de remettre des prix aux élèves.

L’enseignement de l’interprétation va naturellement évoluer et chaque époque connaîtra son lot de réformes et de mutations. Dès 1900, l’imitation des maîtres est critiquée, et l’on souhaite favoriser la recherche personnelle des élèves. Cela augure de profonds changements dans la manière d’enseigner.

La première brèche est ouverte en 1907, avec l’arrivée de Sarah Bernhardt comme professeure. Elle a quitté depuis longtemps la Comédie-Française pour devenir une star du théâtre privé. Son enseignement n’impose rien. Il respecte chaque nature et se transforme pour chacune d’elles. Elle révèle des qualités inattendues chez ses élèves qui connaissent sous sa direction de grands progrès.

1911 Le Conservatoire de musique et de déclamation déménage rue de Madrid à Paris. Les anciens locaux sont abandonnés à l’administration des postes qui démolira une grande partie des salles de cours et ne gardera que le Théâtre et quelques pièces rue du Conservatoire.

1921 Un décret du 16 mars 1921 classe le théâtre du Conservatoire Monument historique. Concours de sortie de 1921 : double Premier Prix en Comédie pour Madeleine Renaud et Marie Bell qui sont immédiatement engagées à la Comédie-Française.

Fernand Ledoux est lui aussi lauréat en 1921.

1928 : Edwige Feuillère est premier prix de comédie.

1933 : Robert Manuel, futur professeur, entre comme élève.

Les Concours de sortie sont également remis en cause dès cette époque et l’on commence à dire que les comédiens du Conservatoire apprennent à réussir leur concours mais n’apprennent pas leur métier. Les acteurs reproduisent ce qui leur a réussi, ils cherchent l’efficacité afin d’assurer leur concours. Les répliques, qui parfois ne connaissent même pas le texte, s’effacent derrière le candidat. On commence à dire que c’est le contraire du théâtre.

Compte tenu de ces critiques et surtout de l’importance grandissante de la mise en scène (on parle alors beaucoup de Copeau, Baty, Dullin ou Antoine), une classe d’ensemble est crée au Conservatoire en 1921, afin de préparer des spectacles entiers.

Dès lors, l’enseignement devient plus collectif et l’imitation va progressivement laisser place à la recherche et à l’invention.

1934 Le décret du 6 décembre 1934 change l’appellation du Conservatoire national de musique et de déclamation qui devient le Conservatoire national de musique et d’art dramatique.

1939, Maria Casarès se présente au concours. Elle est recalée, elle parle encore mal le français et le jury la laisse à peine commencer sa scène. Mais elle apprendra le français, se représentera et sera admise en 1941, à la 3e tentative… Elle est admise à concourir pour le concours de sortie dès 1942. On ne parle que d’elle lors de ce concours mais elle n’obtient qu’un Premier Accessit en tragédie et un Deuxième Prix en comédie. Elle poursuit donc ses études au Conservatoire mais elle en sera exclue en 1943 car un engagement professionnel aux Mathurins lui fait déserter les cours.
Serge Reggiani entre en 1939.
Gérard Philipe est admis en 1943.
Michel Bouquet est aussi admis en 1943, il est devenu ensuite professeur.

1946 La loi n° 46-2154 du 7 octobre 1946 crée deux écoles distinctes qui succèdent au Conservatoire national de musique et de déclamation : le Conservatoire national de musique et le Conservatoire national d’art dramatique qui sera de nouveau installé dans ce qu’il reste des locaux de la rue du Conservatoire. Le décret n° 2790 du 27 novembre 1946 portant règlement organique du Conservatoire national d’art dramatique précise que : « le Conservatoire est un établissement d’enseignement supérieur consacré à l’enseignement de l’art dramatique sous toutes ses formes ». Ce décret fixe les conditions d’élaboration des jurys d’admission et des comités d’examen, ainsi que la composition du personnel enseignant. Le Conservatoire est placé sous l’autorité d’un directeur. Un conseil supérieur et un conseil des professeurs sont créés.

Le Conservatoire va également se démarquer, lentement mais sûrement, de la Comédie-Française.

L’arrivée de Louis Jouvet comme professeur, en 1934, constitue une brèche. Il n’est pas sociétaire de la Comédie-Française, contrairement aux autres enseignants de cette époque, et il a lui-même été recalé trois fois au Concours d’entrée. Il s’intéresse au théâtre et aux auteurs contemporains. Son enseignement est encore très centré sur le mot, l’articulation, la respiration et la diction. Avec son l’arrivée, le Conservatoire va explorer le répertoire moderne et contemporain, au grand dam parfois de ses détracteurs, voire des professeurs de l’école.

« Il faut les alimenter [les élèves] spirituellement, leur donner la nourriture que réclame leur enthousiasme, leur amour du métier. C’est très délicat, vous savez, de présider à la naissance d’un tempérament d’artiste. Un rien suffit parfois pour tout détruire, tout anéantir ; ils ne comprennent pas toujours quelle est leur véritable route. Tous ces « gosses » qui viennent à nous avec tant de confiance – on décèle vite ceux qui ne font du théâtre que pour des raisons subsidiaires – ont besoin avant tout d’un « père spirituel » qui sache les guider. La sincérité de ces jeunes gens exige qu’on réponde à ce qu’ils viennent demander. »

Louis Jouvet dans Le Figaro en 1936 : « L’intérêt du conservatoire est de vous empoisonner avec des trucs dont vous ne comprenez pas l’utilité immédiate, qui cependant sont nécessaires »

Antoine Vitez se présente au concours d’entrée en 1951, il est recalé dès le 1er tour.
Pierre Dux enseigne à partir de 1953.
Jean Vilar participe au jury du concours de sortie en 1952.
Robert Manuel remplace Pierre Dux en 1956 et restera 28 ans au Conservatoire.
Pierre-Aimé Touchard arrive à la direction du Conservatoire en 1967. Il a déjà dirigé la Comédie-Française pendant 6 ans. Il souhaite ouvrir l’enseignement aux divers modes d’expression du spectacle, et appeler au Conservatoire la nouvelle génération de metteurs en scène.

« Ce que je voudrais, c’est créer ici un esprit d’équipe et de création ; que les élèves ne soient pas seulement des enfants qui reçoivent des conseils mais aussi des créateurs. » Pierre-Aimé Touchard

1971 Le décret n° 71-328 du 29 avril 1971 du Premier Ministre et du Ministre des affaires culturelles crée et porte règlement organique du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique dont le règlement intérieur est établi par arrêté du ministre des affaires culturelles. Ce décret n’a été remplacé que 40 ans plus tard en mai 2011.

1974 Jacques Rosner, disciple de Roger Planchon, est nommé à la tête du Conservatoire. Cette nomination marque une volonté de renouveau du Ministère chargé de la Culture.

C’est dans les années 70, notamment avec l’arrivée d’Antoine Vitez comme professeur, que l’enseignement collectif se développe. Un vent de réforme souffle sur le Conservatoire. Cette mutation correspond, à la même époque, à l’avènement des metteurs en scène sur les scènes de théâtre.

La classe d’ensemble, créée en 1921, est remplacée au début des années 1970 par des ateliers, proches de la pratique professionnelle et basés sur un enseignement collectif. On apprend alors à jouer avec l’autre, en fonction de l’autre. La notion de groupe se développe et l’on souhaite transmettre aux élèves une éthique collective.

L’enseignement par l’imitation n’est déjà plus de mise mais c’est également au début des années 1970 que l’on cherche à faire des élèves des créateurs. On développe l’imagination de l’actrice et l’acteur, son intuition, son originalité face au personnage. On parle de sensibilité de l’acteur, de psychologie du personnage, d’émotion, de sentiment.

Le mot n’est plus alors le point de départ de l’interprétation, il est entendu dans une vision globale du théâtre qui met en jeu les moyens d’expression de l’acteur. On développe le corps, l’expression corporelle, non pas sur le plan de la compétence physique mais sur celui de l’imagination du corps.

« Je leur disais : les rôles ne sont pas des outres ou des dessins à colorier que vous devriez remplir de vos corps et de vos voix, ils n’existent pas avant vous, ils sont vous-mêmes, ils sont à vous (tout est à nous), et il ne faut que suivre – ou critiquer, mais au moins connaître – la trace d’une marche, la partition d’un autre, imaginaire, appelé personnage. » Antoine Vitez

« Vitez, lui, est un professeur d’enseignement supérieur qui veut considérer comme résolus par ses élèves les problèmes de pure technique professionnelle, et qui cherche à provoquer les interprétations les plus intuitives et les plus originales. C’est évidemment bien plus passionnant pour les élèves que de cultiver leur voix ou leur diction. Mais si « supérieur » que soit le Conservatoire national il doit, comme son nom semble l’indiquer, conserver au minimum quelque chose qui, à mon avis, est le principe d’un préparation honnête et « ouvrière » au métier de comédien. » Pierre Dux, en réponse à Pierre-Aimé Touchard

« Préparer les acteurs à un art prévu d’avance qui serait celui de leur génération, sous prétexte que c’est celui de leurs moniteurs, serait leur faire une mauvaise farce… il faut donc les initier à un état d’esprit qui s’appelle la recherche. L’école de l’imagination procède, certes, de notre tradition orale. Elle réclame des bases techniques plus poussées peut-être qu’auparavant. Mais en vue de projets surprenants.

Les acteurs iront à la rencontre d’hommes de théâtre (plus ou moins directifs). Ces hommes de théâtre, car c’est cela la tradition, seront des chercheurs, des marginaux chercheurs. » Pierre Debauche

C’est également dans les années 1970 que l’on commence à permettre les permutations entre différents professeurs d’interprétation, d’abord, en 1971, au début de chaque année scolaire, puis en cours d’année. On veut favoriser les croisements des méthodes pédagogiques et des esthétiques et permettre aux élèves de se confronter à la diversité du monde théâtral. En 1974, les élèves peuvent chaque année exprimer des voeux afin de choisir leur professeur d’interprétation. Les élèves de 3 années sont alors, comme par le passé, mélangés dans les classes.

Logiquement, en 1974, le Concours de sortie est supprimé et remplacé par des présentations publiques de pièces entières, à l’instar de la future vie professionnelle des élèves.

Jean-Paul Roussillon est nommé professeur en 1974 par Jacques Rosner, qui fait également appel en 1973 à Pierre Debauche, directeur du Théâtre des Amandiers de Nanterre, à Jean-Pierre Miquel, futur directeur, Michel Bouquet, Pierre Vial, Claude Régy, Viviane Théophilidès, Mario Gonzalez, Bernard Dort. Jacques Lassalle remplace Vitez en 1981.

Cette profonde mutation de l’enseignement va provoquer, à la rentrée de 1977, une scission du Conservatoire qui va durer plusieurs années entre les professeurs partisans de la formation nouvelle (Vitez, Roussillon, Bluwal, Miquel, Debauche, Bouquet) et ceux partisans de la formation traditionnelle (Meyer, Delamare, Manuel).

La presse s’en mêle, la relecture des classiques est parfois mal acceptée et l’on dénonce une manipulation des élèves par les excentricités de leurs professeurs.

Les candidates et candidats au Concours d’entrée doivent alors préciser dans quelle formation ils souhaitent s’inscrire. Deux concours différents sont instaurés et les élèves admis ne peuvent pas changer de formation en cours de scolarité. Ce qui conduit d’ailleurs certains d’entre eux à repasser le concours pour accéder à l’autre enseignement.

En formation traditionnelle, on rétablit le Concours de sortie, pourtant supprimé en 1974.

Toutefois, les rangs des élèves en formation traditionnelle se déciment peu à peu, les professeurs eux-mêmes prennent leur retraite et quittent le Conservatoire et l’établissement peut être réunifié en 1982, année du tout dernier Concours de sortie.

Jean-Pierre Miquel arrive à la direction du Conservatoire en 1983.
Daniel Mesguich (futur directeur) est nommé professeur en 1983, ainsi que Gérard Desarthe.
Claire Lasne Darcueil (future directrice) entre comme élève au Conservatoire en 1987.

« Ne faut-il pas apprendre avant tout à jouer avec un autre, et en fonction des autres ? Ne faut-il pas apprendre d’abord que le théâtre est une éthique collective avant d’être un « numéro » personnel l’on oblige l’élève à faire avec ce système ? Sont-ce là de bonnes habitudes ? » Jean-Pierre Miquel en 1974

« Faire connaître et comprendre des choses au delà de la scène, où l’on déploie encore trop souvent narcissisme et nombrilisme. Il faut initier les élèves au théâtre en général, et pas simplement à leurs problèmes d’acteurs, qui sont parfois de petits problèmes. » Jean-Pierre Miquel

En 1983, on commence à réfléchir à la mise en oeuvre d’un cursus de formation progressif, construit sur 3 années. Avec une 1e année où tous les enseignements (interprétation et cours techniques) ont la même importance et sont au même niveau. Il s’agit en somme d’apprendre les bases du métier. En 2e année, le volume horaire des cours d’interprétation est renforcé et celle-ci devient la discipline principale. La 3e année est consacrée aux ateliers et à la création de spectacles. Ce dispositif est très proche de celui d’aujourd’hui.

Le lien organique du Conservatoire à la Comédie-Française (le décret de Moscou rattache en 1812 le Conservatoire et la Comédie-Française), s’il n’explique pas à lui seul les évolutions de l’enseignement, apporte un éclairage intéressant. Si les lauréats des Concours de sortie ont été longtemps assurés d’un engagement à la Comédie-Française (en 1847, les élèves doivent même s’engager à débuter sur la scène de la Comédie-Française et doivent se tenir à sa disposition durant cinq années), à partir des années 1850, le Français n’est plus en mesure d’offrir du travail à tous les lauréats de ces concours. L’incertitude quant au devenir des élèves incite à les former pour d’autres théâtres : l’Odéon, puis le TNP, puis les Théâtres Nationaux, Centres Dramatiques Nationaux, Scènes Nationales ou les Compagnies, puis le cinéma et la télévision sont tous, à leur tour, devenus des employeurs pour les comédiens. Il faut donc adapter l’enseignement à d’autres univers, à d’autres esthétiques, en un mot, à la demande du marché de l’emploi.

Le Jeune Théâtre National a été créé en 1972, afin de favoriser l’insertion professionnelle des comédiens issus du Conservatoire et de l’École Nationale Supérieure du Théâtre National de Strasbourg.

1991 Le décret n° 91-729 du 23 juillet 1991 prévoit que le Conservatoire national supérieur d’art dramatique est inscrit sur la liste des établissements d’enseignement public de la musique, de la danse et de l’art dramatique dont la responsabilité et la charge incombent entièrement à l’État.

Dès la création de l’école, et à toutes les époques, on a conscience que l’on ne crée pas le talent ou le génie. On encourage tout au plus des dispositions, on développe des qualités, on canalise un instinct. Cette réalité est à l’esprit de tous les directeurs, professeurs ou professionnels du théâtre. En somme, la qualité de la formation dépend autant des enseignants que des élèves qui doivent apprendre à utiliser l’outil mis à leur disposition pour construire leur propre personnalité d’artiste.

« Le Conservatoire est un outil qui n’a de valeur que celle que lui donne l’élève par la façon dont il s’en sert. Je dis aux élèves qui entrent au Conservatoire que la qualité de leur formation dépendra avant tout de la manière dont ils sauront utiliser l’outil qui est entre leurs mains, un outil formidable, unique en son genre en France. Et on voit bien, à l’expérience, que les élèves qui se sont développés et sont devenus de très bons comédiens durant leurs études, sont précisément ceux qui ont su se servir de l’outil au maximum. On ne peut pas obliger quelqu’un à travailler, ni lui donner du talent et de la force ; mais celui qui veut, a les moyens, en trois ans, d’aller au bout de ses possibilités. » Jean-Pierre Miquel

Marcel Bozonnet, directeur de 1993 à 2001, valorise les cours de chant et de danse et les place au coeur de la formation artistique en les rendant obligatoires. Il engage Caroline Marcadé et Alain Zaepffel, encore professeurs aujourd’hui. Il transforme les classes hebdomadaires d’interprétation de 3e année par des ateliers dirigés par des artistes invités. Il fait appel au metteur en scène allemand Klaus Michael Grüber pour diriger un atelier de 3e année, puis à Patrice Chéreau qui dirigera un atelier au cours duquel les élèves joueront sur scène avec Michel Piccoli. Il ouvre l’école à des collaborations nouvelles qui se poursuivent aujourd’hui notamment avec La fémis et Radio France. Il fait entrer la formation à la mise en scène au Conservatoire par le rattachement en 2001 de l’Unité nomade de formation à la mise en scène, créée par Josyane Horville en 1997.

Claude Stratz, directeur de 2001 à 2007, poursuit la réforme engagée par son prédécesseur. Il augmente significativement les heures d’enseignement – et particulièrement celles des cours d’interprétation – et renforce les cours dits « techniques » en diversifiant les disciplines enseignées. Il affirme la notion de progression et de recherche en combinant un enseignement hebdomadaire à des stages et ateliers ponctuels. Dans ce cadre, il s’efforce de faire coexister au sein de l’école des esthétiques et des pédagogies variées afin que chacun se confronte à des pratiques différentes, reflets d’un art en constante évolution.

Daniel Mesguich, directeur de 2007 à 2013, replace les cours d’interprétation au centre de la formation. Les élèves gardent le même professeur d’interprétation pendant trois ans et les promotions se trouvent mélangées dans l’intégralité des cours. Il crée des cours de pensée du théâtre, de jeu devant la caméra, de clown, de théâtre en anglais, de marionnette, de mime et de chanson ainsi qu’un atelier de comédie musicale. Il fait par ailleurs entrer le Conservatoire dans le dispositif européen des diplômes et crée un deuxième et un troisième cycle, ce dernier dans le cadre de l’Université PSL.

En mai 2011, un nouveau décret statutaire reconnaît au Conservatoire le statut d’établissement public à caractère administratif et celui d’établissement d’enseignement supérieur. Ce décret donne deux nouvelles instances de gouvernance à l’établissement, le conseil d’administration et le conseil des études.

Le 25 avril 2012, un décret du Président de la République nomme Monsieur Hervé-Adrien Metzger – conseiller maître à la Cour des comptes – premier président du conseil d’administration du Conservatoire. Le 17 juillet 2015, Madame Hortense Archambault – directrice de la MC93 – lui succède comme présidente du conseil d’administration.

En novembre 2013, Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication, propose au Président de la République de nommer Claire Lasne Darcueil à la direction du Conservatoire. Elle est nommée par décret du Président de la République en date du 6 décembre 2013. C’est la première femme à diriger l’école.

La Ministre annonce sa nomination en ces termes : « Claire Lasne Darcueil porte pour le Conservatoire un projet en prise avec ses enjeux fondamentaux, permettant d’assurer une nouvelle cohérence des enseignements, ainsi qu’une ouverture de l’établissement tant sur le monde que sur la société qui l’entoure. Elle souhaite notamment oeuvrer à la diversité de toutes les activités de l’établissement, y compris en ce qui concerne son recrutement, et prendre en compte les possibilités offertes par les outils technologiques. Elle défend l’idée d’une vision large du rôle de l’actrice et de l’acteur dans le renouvellement des formes. Claire Lasne Darcueil enfin prévoit dans son projet de nombreux partenariats avec des institutions théâtrales en région qui accueilleront des chantiers de création. »

Le 28 novembre 2016, son mandat est renouvelé par arrêté de la ministre chargée de la Culture, Audrey Azoulay.

Les anciens directeurs du Conservatoire national supérieur d’art dramatique – PSL
Paul Abram 1946 – 1955
Roger Ferdinand 1955 – 1967
Pierre Aimé Touchard 1968 – 1974
Jacques Rosner 1974 – 1983
Jean-Pierre Miquel 1983 – 1992
Marcel Bozonnet 1993 – 2001
Claude Stratz 2001 – 2007
Daniel Mesguich 2007 – 2013
Claire Lasne Darcueil 2013 – 2023




HOMMAGE À JACQUES ROSNER 1936-2022

Comédien et metteur en scène, Jacques Rosner a été directeur du CNSAD de 1974 à 1983. L’équipe du Conservatoire adresse son amitié et ses pensées chaleureuses à ses proches.

© Max Armengaud

Jacques Rosner prend la succession de Pierre-Aimé Touchard en 1974. Le Conservatoire est agité depuis quelques temps par une querelle entre « anciens » et « modernes » dont il peine à se sortir. Des professeurs comme Jean-Laurent Cochet ou Louis Seigner, attachés à un certain classicisme, s’opposent à Pierre Debauche et Antoine Vitez, partisans d’un renouveau des méthodes pédagogiques.

Disciple de Roger Planchon, Rosner est alors directeur du Théâtre du Lambrequin à Tourcoing lorsque Michel Guy, ministre de la Culture penché vers l’avant-garde, le nomme. Il devient à 38 ans l’un des plus jeunes directeurs du Conservatoire.

Dès son arrivée, il engage Marcel Bluwal, réalisateur connu de télévision, et Jean-Paul Roussillon. Il supprime aussi le Concours de sortie qu’il remplace par des examens collectifs.

Il autorise les élèves à monter des spectacles, et c’est ainsi que sept créations verront le jour cette année-là dans les murs de l’école. Deux d’entre elles auront un succès tel qu’elles seront reprises à l’extérieur : Les fruits d’or, dirigé par Claude Risac, et Lorenzaccio par Jean-Pierre Bouvier.

C’est sous sa direction qu’apparaissent les premières « Journées de juin », toujours en vigueur aujourd’hui ! En invitant des élèves de l’INSAS Bruxelles et du TNS à présenter des spectacles, ou des Arts décoratifs à réaliser des scénographies, il a quasiment inventé la « coopération inter-écoles », devenue incontournable au Conservatoire. De même en est-il des stages et des rencontres avec des professionnels, aujourd’hui « master class » et « RDV du Conservatoire ».

L’œuvre considérable de transformation de l’école par Jacques Rosner, il l’a lui-même racontée dans un « Livre blanc » publié en 1983 pendant sa dernière année au Conservatoire, avant d’être nommé par Jack Lang au Théâtre National de Toulouse.

En neuf ans, il aura admis dans l’école des futurs comédiens à succès tels que Christian Benedetti, Anne Consigny, Ariane Ascaride, Jean-Hugues Anglade, Isabelle Huppert, Catherine Gandois, Dominique Valadié, Thierry Gimenez, Martine Vandeville, Fabrice Eberhard, Daniel Martin, Catherine Frot, Muriel Robin, Aurélien Recoing, Robin Renucci et tant d’autres.

À travers des choix audacieux, parfois critiqués mais finalement approuvés par le plus grand nombre, Jacques Rosner a porté une vision résolument tournée vers l’avenir, l’échange et la modernité, laissant une empreinte durable dans l’activité du Conservatoire.

Nastassia Taillet